“Tu veux faire de l’hélicoptère ?”

Certaines histoires commencent par « il était une fois ». Celle-ci commence par « Tu veux faire de l’hélicoptère? »

Une rencontre inattendue avec un pilote et me voilà partie pour faire 300h de vol dans un des endroits les plus spectaculaire et inaccessible de la planète en Nouvelle Zélande.

Au début, je croyais que l’on partait pour un vol scénique. J’étais loin de m’imaginer que j’allais être le témoin d’une activité unique de la Nouvelle Zélande: la régulation des biches introduites par une chasse en hélicoptère.

Je n’en crois pas mes yeux. J’hésite entre dégoût et fascination. Je suis là, dans cet hélicoptère à 36000 Km de la France avec deux hommes que j’ai rencontré par hasard dans un restaurant, qui sont en train de tuer des biches d’un hélicoptère au milieu du décors incroyable de Fiordland.

La caméra à la main, je filme. Je ne peux pas m’arrêter. Au moins j’aurai un souvenir de cette expérience unique. Après 3h de poursuite, d’abattage, de récupération des carcasses et de vol au milieu des montagnes abruptes de Hollyford, nous atterrissons dans la petite ville de Te Anau. Ici, les deux hommes sont des héros. C’est en partageant une bière dans le pub local que je comprends que j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir monter dans cet hélicoptère.

« Can I make a film about you? »

« Yes »

C’est comme ça que l’histoire continue. Aussi simplement qu’elle a commencé.

Je décide de rester à Te Anau et de profiter de cette occasion unique. Les conditions de tournage sont extrêmes. Quatre jours par semaine, on s’envole à 5h du matin pour commencer la chasse. Il fait froid, très froid. L’hélicoptère ne se pose jamais, alors je dois sauter pour filmer les scènes extérieures et m’accrocher aux pieds pour remonter. La consigne du pilote « ne trébuche pas, sinon tu meurs ». En effet, le précipice n’est pas loin. Mais l’adrénaline me fait tenir et fait tenir ces deux hommes depuis plus de 40 ans. Pendant l’été, un des pilotes meurt d’un accident en exerçant la même activité. Je réalise, je prend alors conscience du danger. Jusqu’à présent, tout paraissait irréel. Je vivais cette aventure sans y penser, sans prendre le temps d’y penser.

Lorsqu’ils partent déposer les carcasses au camion, je reste seule au milieu des montagnes pendant plus d’une heure. Les moments les plus inoubliables. Difficile d’exprimer mes émotions, cette sensation de me sentir si petite dans ces montagnes sans fin et aussi celle de me sentir libre. Tellement libre.

J’ai toujours un briquet et un bout de caoutchouc pour pouvoir allumer un feu au cas où ils ne reviennent pas à cause d’un accident. La consigne « surtout, ne bouge pas. Reste au même endroit, quelqu’un partira à ta recherche ».

Impossible de raconter en détail ce moment de vie. Ces 300h de vol passées avec ces deux hommes.

Je ne suis ni pour, ni contre cette chasse qui peut être discutée. J’ai simplement témoigné avec ma caméra de cette activité incroyable pratiquée par deux hommes qui ont partagé avec moi leur passion. Leur passion pour leur métier et aussi pour Fiordland.

Romane Tissot